Monday, November 16, 2009

Un ange à la mer


Un ange à la mer est un film d’une tristesse et d’une détresse incroyable, où les protagonistes ont tous une telle impuissance face aux évènements et pourtant le film de Frédéric Dumont est l’un des plus beau sorti cette année.

L’histoire de ce garçon (Louis) qui doit garder le secret des intentions suicidaires de son père est bouleversante. Même si le film n’offre aucun signe d’espoir et ce malgré la beauté des paysages ensoleillés du Maroc, les liens qui se forment entre Père et Fils sont prenantes. Louis espionne son père du haut d’un citronnier, dans le coffre de sa voiture ou tout simplement en s’endormant devant la porte de son bureau, pour ne pas qu’il commette l’irréparable. Les scènes entre les deux où Gourmet ose sortir de son bureau sombre sont tout à la fois touchantes, tristes, absurdes (la noyade d’un chaton), pleine de vie et terriblement frustrantes puisque éphémères. Le spectateur ne peut faire autrement qu’être frustré aussi devant les malaises et l’inutilité que peuvent vivrent les protagonistes devant la situation. Que se soit l’infidèlité de la mère, les crises de colère du père et la détresse de Louis. La scène où il doit réciter un poème devant un audience et qu’il se met à beguayer, béguement qui apparaît de nul part suite aux confidences de son père et qui l’empêchera de communiquer, nous crève le coeur.

La musique, de Luc Sicard, jamais miélleuse, est incroyable et ne dicte jamais nos émotions, elle est plutôt complémentaire aux magnifiques images de Virginie Saint-Martin créant ainsi une expérience sensoriel incroyable. Un film comme il s’en fait peu et cela est tout en son honneur. Un peu comme un Léolo, plus intime, plus personnelle, moins trash.

Gourmet et Nissens sont non seulement juste mais rearquablement touchant, sans fausses notes. Nissens d’ailleurs nous arrache les larmes des yeux et Anna Consigny, en mère impuissante devant le drame est également bouleversante. Co-production Belge-Québec oblige, on a donc droit à une apparence, une ligne de dialogue et un sourire de Louise Portal et un je-m’en-foutisme-typique de Pierre-Luc Brillant qui comme à son habitude nous laisse perplexe quant à son talent, son amour du métier tellement il se la joue toujours je-m’en-câlisse-mais-c’est-parce-que-j’ai-une-barbe-et-un-attitude-de-marde-de-rock-star-déchu. Pierre-Luc Brillant dans le rôle de Pierre-Luc Brillant, donc. Mais rassurez-vous, sa performance d’inadapté social ne gâche en rien ce très grand film poétique.

Dumont nous donne un film personnel d’une grande beauté malgré la négativité des sentiments et il nous offre par le fait même un œuvre pleines d’émotions. Un film où émotion, musique, images, poésie et acteur crée un tout cohérent et où le spectateur ne peut faire autrement que s’impliquer émotionnellement tout naturellement, sans artifice de la part de Dumont. Un film qui sans prendre de risque, se permet d’être différent et sans prétention. Dumont nous prouve qu’il y a un autre cinéma français que celui fade et stérile que l’europe nous présente depuis quelques années.

Wednesday, November 11, 2009

The Wild Hunt vs Demain, dès l'aube


Lors du dernier FNC, les organisateurs ont présenté deux films identiques, Demain, dès l’aube de Denis Dercourt et The Wild Hunt d’Alexandre Franchi. Deux films traitant du même sujet soit la relation entre deux frères sur fond de jeux de rôles, deux films aux enjeux similaires mais aux traitements différents. Comparons.

Demain, dès l’aube raconte l’histoire de Paul (Vincent Perez) qui suite à un mariage qui bat de l’aile décide d’aller vivre chez sa mère malade et de s’occuper de son frère, Mathieu (Jérémie Renier) pendant que celle-ci est à l’hôpital. Jérémie est un passionné d’histoire et s’adonne aux jeux de rôles. Il part les weekends en campagne où il rejoint des soi-disant passionnés comme lui où il se déguise en soldat du Ve Régiment. Vincent décide de l’accompagner et les choses tournent au vinaigre. Il sera traqué dans son quotidien pour un duel dont il ne veut pendre part. Tout ça se terminera de façon tragique sous fond de vengeance familliale. Gagnant du Prix du Meilleur Premier Long Métrage Canadien au dernier Festival du Film de Toronto, The Wild Hunt raconte l’histoire d’Erik qui s’occupe de son père malade dans un appartement miteux en bordure de la Décarie pendant que son grand frère Bjorn s’amuse dans un jeu de rôle en plein milieu de la campagne québécoise. Sa copine, ayant besoin d’espace, le quitte pour réfléchir et se réfugie dans les bras d’un chef de bande rivale à Bjorn. Erik décide d’aller chercher sa copine dans la forêt et par le fait même résonner son frère. Les choses tournent au vinaigre et tout ça se terminera de façon tragique sous fond de vengeance familliale.

Ayant d’avance un partie pris pour The Wild Hunt puisqu’il s’agit d’un film québécois indépendant scénarisé et joué par un ami, c’est tout de même en visionnant les deux films qu’il devient apparant que Demain, dès l’aube est le plus faible des deux, partis pris ou non. Malgré des prestations solides de Perez et Rénier et une belle mise en scène lors des duels napoléoniens, on ne comprends jamais les intentions de Dercourt. Se rit-il des gens qui participent à ces jeux de rôles comme l'avait fait l'autre Denys dans son Âge des ténébres? On en ait jamais sûr. Malgré sa passion pour l’histoire, Mathieu semble avoir un léger syndrome d’Asperger et les autres participants semblent obsédés par le pouvoir de leur gallons militaires et l’admiration qu’ils ont les uns pour les autres tout en prenant le jeu un peu trop au sérieux au point de mettre en danger la vie de ceux qui insultent leur régiment. Nayant visiblement aucun amour ou intérêt pour les jeux de rôle, son film se transforme peu à peu en suspense risible où le personnage de Paul se retrouve dans une situation exagérée qui nous éloigne des raisons pour lesquelles il est en crise existentielle ainsi que ce dénouement qui n’apporte rien sauf l’incompréhension des intentions du réalisateur. Dercourt nous dit que les passionnés de ces jeux de rôles sont tous un peu fêlés et ont de graves problèmes psychologiques qui les empêchent de délimiter le vrai du faux, la réalité de la fiction, le jeux de la vrai vie. Franchi ne rabaisse jamais ses personnages et malgré la passion de ceux-ci pour le jeu, ils savent qu’il s’agit d’un divertissement auquel ils ont décidé de participer et se permettent de sortir de leur personnage créant un écart humoristique à l’œuvre et délimitant par le fait même, le vrai du faux. Les personnages de The Wild Hunt s’amusent et se frustrent aussi et même si les évènements deviennent hors de contrôle, ils restent à l’intérieur de leur terrain de jeu nous laissant ainsi embarquer dans un univers spécial, un atmosphère claustrophobique puissant qui transforme le film en expérience cinématographique captivante. Les quelques fois où le film nous montre des images de la ville, on se sent étouffé par le béton et les autoroutes tellements la rupture entre les deux univers est grande. Dercourt nous montre également ce côté reconstitution historique vs urbaniste mais l’effet ne fonctionne pas. Après le banquet costumé, les personnages retournent chez eux dans une campagne moderne alors la discorde entre les deux univers n’existe tout simplement pas. Les personnages de Franchi malgré leur côté bon enfant veulent gagner un jeu et visiblement s’amusent comme des fous alors que ceux de Delcourt ne veulent que l’admiration et le respect étant blasé par leur statut et ressemblant à de jeunes enfants gâtés prêt aux pires coups bas pour montrer l’étendue de leur pouvoir fictif. Mais ils perdent rapidement le sens du risque, à en juger par le duel final, lorsque c’est leur vie qui est en danger. Bref, de grand parleur et d’encore plus petit faiseurs.

De plus, le film de Dercourt nage dangereusement en territoire « suspense cheap » où ses personnages vont jusqu’à menacer Perez en duel à l’extérieur du jeu en le suivant jusqu’à chez lui, la nuit ou en l’espionnant au restaurant où tout autre endroit car ils savent toujours où il se trouve. Comme si Perez et son frère étaient entrés dans un club sélecte ou une secte à la Fight Club ou The Skulls et qu’ils étaient les 2 seuls à faire partie des « gentils ». Le duel final/vengeance n’a pas le poids qu’il devrait avoir puisqu’on s’aperçoit que le film ne veut rien dire et n’a aucun but et par le fait même aucun impact. D’autant plus qu’il est télégraphié par un revirement douteux. Le message du film nous apparaît comme étant une insanité du genre »Quand l’honneur est touché, il faut demander réparation » ou autre ineptie anachronique que Dercourt se défend mal d’actualiser.

TheWild Hunt assume toujours son genre et ne perd jamais de vue la quête de ses personnages. Bien que le film tombe en territoire violent dans sa finale, la conclusion/vengeance à quelque chose de perversement jouissif ou de jouissivement pervers. On peut ne pas être d’accord avec cette finale surprenante mais reste qu’elle est en accord avec la quête de Bjorn et les thèmes établies par Franchi et son co-scénariste Mark Kruppa, contrairement à Dercourt qui conclue son film de façon hâtive et sans relation avec les tourments de son protagoniste. Franchi et Kruppa ont quelque chose à dire sur l’héritage ancestrale et les multiples liens qui unissent les membres d’une même famille. The Wild Hunt nous permet de comprendre ce que ces gens vont chercher dans ces jeux de capes et d’épées tout en ayant en tête l’idée de s’amuser alors que Dercourt nous présente des gens blasé, sans ambitions.

Dercourt hésite entre drame où les motivations du protagoniste n’ont rien à voir avec se qu’il vit alors que Franchi nous fait découvrir un univers complètement nouveau dans le cinéma d’ici et la quête de ses protagonistes commence et se termine dans cet univers qui côtoit le mythe invoqué dans le titre et sa conclusion inévitable. La quête de Paul en est une de fierté et d’honneur un peu égoïste alors que pour Bjorn elle passe à travers sa rédemption et l’éloignement de ses responsabilités familliale, guerrières et ancestrale.

The Wild Hunt n’est pas un film parfait, d’ailleurs les raisons de la mutinerie sont escamotés créant une énorme confusion dans le récit vers sa conclusion. Toujours est-il que le film offre de spectaculaires images nocturnes et un climat, un atmosphère et un univers rappelant un peu Le Festin des morts de Dansereau. Le film nous plonge dans ce monde perdu et ne nous laisse jamais tomber.